Un loup quelque part d’Amélie Cordonnier
Elle dont on ne connaîtra jamais le prénom patiente dans la salle du pédiatre avec son deuxième enfant, un petit garçon prénommé Alban. Ce qui ne devait être qu’une visite de routine pour les 5 mois du bébé va finalement être le point de départ d’une descente aux enfers maternels, tout ça à cause d’une petite tache plus foncée sur la peau d’Alban. Comment s’attacher à un enfant qu’on ne reconnaît pas et qui nous fait horreur ? Une question qu’aucune mère ne peut formuler mais combien sont-elles à se la poser ?
Et me voilà encore une fois confrontée à un roman qui fait l’unanimité moins une voix… la mienne. J’ai eu beau chercher des avis négatifs pour me rassurer un peu, je n’en ai pas trouvés. Suis-je vraiment la seule à ne pas avoir réussi à aller au bout de ce roman ? J’ai tout de même lu le dernier chapitre pour voir si ça valait la peine de persévérer mais celui-ci m’a confortée dans l’idée qu’il valait mieux écourter cette lecture.
Alors, qu’est-ce qui n’a pas fonctionné cette fois ? Je dirais que j’ai retrouvé dans ce livre un peu les mêmes travers que dans Marche blanche de Claire Castillon : un résumé qui laisse entrevoir un sujet très fort et très dur me permettant d’espérer des montagnes russes d’émotion et une lecture finalement dominée par l’ennui le plus total une fois le décor planté et les failles du personnage principal révélées. A partir du moment où l’auteure est parvenue à créer son univers et à dépeindre les scènes marquantes de son livre on ne fait plus qu’une resucée (nuancier, bain, habillage, esquive, nuancier, bain, habillage, esquive, etc. tout ça ponctué de pourquoi ? et de comment ?). Ma curiosité n’étant plus du tout titillée, je suis comme les cancres au fond de la classe, j’ai commencé à regarder ailleurs en attendant que ça passe.
Elle n’en peut plus de se forcer. Se forcer à s’occuper de lui, se forcer à aller le chercher quand il crie. N’en peut plus de devoir prendre sur elle pour le nourrir, l’habiller, le baigner. S’en veut de réprimer un mouvement de recul chaque fois que les doigts d’Alban agrippent son pull. Culpabilise de ne jamais le bercer. De ne pas savoir le consoler. A honte de ne pas aimer le regarder, le toucher. De ne pas l’aimer tout court.
Dans mon avis sur Marche blanche j’évoquais le fait que la narration personnage était peut-être ce qui m’avait gênée dans ce roman et j’émettais l’hypothèse qu’avec un narrateur omniscient j’aurais pu entrer plus facilement dans cette histoire. La lecture d’Un loup quelque part me prouve le contraire : le problème n’est pas là puisque avec un narrateur extérieur dans le cas présent je me retrouve exactement au même point à l’arrivée.
Le problème est donc à chercher ailleurs et j’espère commencer à le cerner. Ces romans sont très esthétiques mais manquent de chaleur humaine. On est dans l’intime, dans la tête d’une mère qui déraille mais on en occulte tout ce qui gravite autour et qui fait le sel d’un roman pour moi. J’aime les interactions entre les personnages, les scènes variées qui permettent de les voir évoluer dans différents contextes, les dialogues (je ne comprends pas comment on peut se passer de dialogues dans un roman psychologique) qui permettent de se faire une idée de leur caractère ou de leurs valeurs. J’aime les histoires complexes faites de méandres et de chausse-trappes car la vie c’est ça : totalement imprévisible. Or avec ces romans intimes on a l’impression d’être tellement focalisé sur le mal-être du personnage principal qu’il n’existe rien d’autre autour et que le monde est figé en attendant que le personnage sorte de son état. Ça manque d’horizon et dans ce fonctionnement en vase clos je me sens à l’étroit et j’étouffe.
Dans Il faut qu’on parle de Kevin de Lionel Shriver qui traite aussi d’un lien maternel impossible à créer et des sentiments de rejet d’une mère envers son fils, le ressenti est totalement différent. Cette histoire-là m’a chamboulée, bouleversée et même traumatisée car en regard du témoignage de cette mère qui s’interroge sur ce qu’elle a pu mal faire pour en arriver là, on retrouve une histoire incroyable. Ça tape fort, ça marque définitivement les esprits et c’est précisément ce que je recherche en littérature.
Au fond, peut-être que la littérature américaine et anglo-saxonne correspondent mieux à mes goûts. L’esthétisme des romans français ne suffit pas à mon bonheur, il me faut un côté hollywoodien pour m’embarquer dans l’histoire. Il n’y a donc pas de problème particulier avec Un loup quelque part, le problème est à chercher plutôt du côté de mon choix de lecture. C’est sans doute pour ça que je n’ai pas trouvé d’autres avis négatifs sur ce livre d’ailleurs…
L’ESSENTIEL
Un loup quelque part
Amélie CORDONNIER
Editions Flammarion
Sorti le 11/03/2020
270 pages
Genre : roman psychologique
Plaisir de lecture : abandon
Personnages : la mère dont on ne connait pas le prénom, son mari Vincent, sa fille Esther et son fils Alban
Recommandation : oui car les autres avis sont tous excellents
Lectures complémentaires : Marche blanche de Claire Castillon, Il faut qu’on parle de Kevin de Lionel Shriver (cité dans mes livres fétiches), Chanson douce de Leila Slimani, Je me suis tue de Mathieu Ménegaux, La petite famille de Sophie Avon
RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR
« Paupières closes coupées au canif, lèvres parfaitement dessinées, l’air imperturbable. Royal même. Au début, elle a cru qu’il lui plaisait, ce petit. Seulement voilà, cinq mois plus tard, elle a changé d’avis. Ça arrive à tout le monde, non ? Elle voudrait le rapporter à la maternité. Qui n’a pas un jour rendu ou renvoyé la chemise, le pantalon, le pull, la ceinture ou les chaussures qu’il venait d’acheter ? » Que fait cette tache, noire, dans le cou de son bébé ? On dirait qu’elle s’étend, pieds, mains, bras, visage. Mais pourquoi sa peau se met-elle à foncer ? Ce deuxième enfant ne ressemble pas du tout à celui qu’elle attendait. Aucun doute, il y a un loup quelque part. Avec une écriture aussi moderne qu’acérée, Amélie Cordonnier met en scène une femme paniquée de ne pas réussir à aimer son enfant et dont l’affolement devient de plus en plus inquiétant.
TOUJOURS PAS CONVAINCU ?
3 raisons de lire Un loup quelque part
- Si le thème de l’instinct maternel vous intéresse
- Pour la plume d’une beauté incroyable d’Adam Johnson
- Pour les messages véhiculés par ces textes
3 raisons de ne pas lire Un loup quelque part
- Si vous êtes une jeune maman très sensible
- Si les romans d’atmosphère vous ennuient
- Si vous préférez l’explicite aux histoires qui se fondent dans des silences, des pauses et des non-dits
Merci pour cette chronique qui rejoint tout à fait mon sentiment : j ai lu ce livre jusqu au bout mais l écriture m a semblé froide et sans émotion, gardant ses distances avec une réalité qui devrait être bouleversante et entraîner des interactions bien plus complexes que ce qu on nous donne à voir ici. Je n avais encore jamais lu cette auteure mais je ne suis pas certaine d essayer à nouveau.