Des hommes justes d’Ivan Jablonka

Une fois n’est pas coutume, cet avis va totalement dissocier la qualité du livre de la façon dont je l’ai perçu. Ou pour le dire autrement : si vous me trouvez totalement courge dans mes propos, foncez acheter ce livre, vous allez vous régaler, c’est un bijou. Si en revanche vous êtes un peu du même avis que moi, n’allez pas acheter ce livre, même si ça reste un petit bijou vous ne saurez pas l’apprécier à sa juste valeur.

Des hommes justes d'Ivan Jablonka (éditions Seuil)

Des hommes justes d’Ivan Jablonka (éditions Seuil)

Dans son essai, Des hommes justes, Ivan Jablonka, historien de son état, revient sur la place des hommes et des femmes dans notre société depuis le Paléolithique. Avec force d’exemples et de citations il nous prouve que l’homme a toujours fait en sorte de maintenir la femme dans une position inférieure par peur, ignorance, croyance, etc. Archi documenté, ce livre poursuit un objectif : amener l’homme à prendre conscience du caractère profondément injuste de cette inégalité ancestrale entre les sexes basée sur aucun fondement scientifique, et l’inviter à réfléchir autrement les relations homme-femme afin de parvenir à une forme de « justice de genre ».

Dit comme cela, on ne peut qu’être d’accord avec Ivan Jablonka et brûler d’envie de lire Des hommes justes. Cet essai m’a renvoyée à mes années de fac, quand je me retrouvais en cours magistral d’anthropologie à écouter des histoires de croyances populaires qui tenaient les femmes indisposées à distance du saloir car leurs règles risquaient de faire tourner le lard. Bon appétit !

Etudié à la fac, c’est le genre de livre que j’aurais dévoré, décortiqué, écorné et surligné tant chaque idée, chaque démonstration, chaque exemple semble nécessaires à la bonne marche de notre société. Mais sur 400 pages ça fait trop ! Trop d’informations, trop d’arguments, trop de citations, trop de renvois, trop de faits à retenir et à intégrer. Pour avoir trop « bouffé » de ce genre de livres pendant mes études, j’ai fini par développer une forme d’allergie vis-à-vis de ces essais qui frôlent le gavage intellectuel et le bourrage de crâne.

 

Plaisir, reproduction, nourrissage : les femmes « servent ». Ces fonctions s’inscrivent dans un cycle de vie : jeune fille à garder vierge (elle va servir), femme mariée (elle sert), femme ménopausée (elle ne sert plus, ce qui lui donne une certaine autonomie) – une vie à servir, dans les deux sens du terme, servir à quelque chose, mais aussi servir le mari, les enfants, les malades, les personnes âgées, dans un cadre privé ou semi-privé.

 

Aujourd’hui je fais davantage confiance à la fiction ou aux témoignages pour me faire grandir et m’élever. Vivre mille vies par procuration, développer de l’empathie pour des personnages est aujourd’hui pour moi la meilleure manière d’apprendre. L’intelligence émotionnelle versus le savoir empirique ? Mon choix est fait.

Or, dans ce livre tout est très scolaire avec un plan apparent, un enchaînement argumentaire parfaitement maîtrisé et cela me chagrine vraiment. D’abord parce que je trouve qu’il y a une forme d’aberration à développer un propos et une vision résolument modernes dans un traitement si conventionnel. Ensuite parce que je m’interroge sur la cible d’un tel ouvrage. Il passionnera sans aucun doute le milieu intellectuel et féministe déjà largement convaincus par ces démonstrations mais cela ne revient-il pas à enfoncer des portes ouvertes ? A-t-il la moindre de chance de parvenir entre les mains de lecteurs moins sensibilisés à ces questions et si tel est le cas, parviendra-t-il à opérer chez eux la prise de conscience souhaitée avec une démonstration aussi pointue ? Est-ce vraiment sous cette forme que la littérature est la plus utile à l’évolution de notre société ? Vous connaissez déjà mon point de vue sur la question…

Des hommes justes est le document sélectionné par le jury de septembre du Grand Prix des lectrices Elle 2020, il a donc été soumis à l’appréciation des lectrices des 7 autres jurys.


L’ESSENTIEL

Couverture de Des hommes justes d'Ivan Jablonka

Couverture de Des hommes justes d’Ivan Jablonka

Des hommes justes
Ivan JABLONKA
Editions Seuil
Sorti le 22/08/2019
448 pages

 

Genre : essai, document
Plaisir de lecture : ❤❤❤
Recommandation : oui
Lectures complémentaires : les autres titres de l’auteur, Sociologie du couple et La trame conjugale de Jean-Claude Kaufmann

RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR

Comment empêcher les hommes de bafouer les droits des femmes ? En matière d’égalité entre les sexes, qu’est-ce qu’un  » mec bien  » ? Il est urgent aujourd’hui de définir une morale du masculin pour toutes les sphères sociales : famille, entreprise, religion, politique, ville, sexualité, langage. Parce que la justice de genre est l’une des conditions de la démocratie, nous avons besoin d’inventer de nouvelles masculinités : des hommes égalitaires, en rupture avec le patriarcat, épris de respect plus que de pouvoir. Juste des hommes, mais des hommes justes.

Ivan Jablonka est historien et écrivain. Il a notamment publié Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus (prix du Sénat du livre d’histoire 2012), Laëtitia ou la fin des hommes (prix Médicis 2016) et En camping-car (prix France Télévisions 2018). Ses livres sont traduits en douze langues.


TOUJOURS PAS CONVAINCU ?

3 raisons de lire Des hommes justes

  1. Parce que vous êtes intéressé par les questions de genre et d’égalité entre les sexes
  2. Parce que vous pensez qu’une autre société est possible
  3. Parce que comme l’auteur, vous aimeriez voir grandir vos enfants avec les mêmes chances et les mêmes droits

3 raisons de ne pas lire Des hommes justes

  1. Parce que la forme de l’essai vous rebute
  2. Parce que les livres trop fouillés et documentés vous effraient
  3. Parce que le féminisme au sens large ne vous passionne pas plus que ça
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