Un dimanche matin de Johanne Rigoulot

Le jour où Pierre a décidé d’ôter la vie à sa femme Katia, il a aussi fait sans le vouloir, de ses filles des orphelines et de ses proches, la famille d’un meurtrier. Un rôle sur lequel revient Johanne Rigoulot, cousine de Pierre, dans un récit intitulé Un dimanche matin.

Un dimanche matin de Johanne Rigoulot (éditions Les Equateurs)

Un dimanche matin de Johanne Rigoulot (éditions Les Equateurs)

Face à un fait divers, nous avons tous tendance à réduire ce drame à une victime et à un coupable. Le bien et le mal, sans demie mesure, sans nuances. Pourtant chaque drame comporte ses victimes collatérales. Mais peut-on parler de victimes quand il s’agit de la famille du criminel, ont-elles droit à cette appellation, celles qui ont côtoyé le mal avant qu’il ne passe à l’action ?

C’est de ces victimes honteuses et cachées que nous parle Johanne Rigoulot dans son témoignage. C’est de cette onde de choc qui traverse et déchire le tissu familial qu’est né son projet littéraire. Car avant d’être auteure, Johanne Rigoulot est la cousine de Pierre et de Katia par alliance. Elle a côtoyé pendant des années victime et bourreau. Elle a été invitée à leur mariage, a partagé les réunions de famille avec eux. Dès lors, elle cherche à comprendre à travers ces moments passés ensemble à quel moment la situation a dérapé et si des signes auraient pu permettre d’empêcher cette issue fatale. Ces questions ne la laisseront jamais en paix alors que les années passent au rythme des parloirs et des procès. Impossible d’oublier l’innommable. Impossible de continuer sa vie comme si Pierre, Katia et leurs petites filles allaient débarquer ensemble à la prochaine cousinade.

Dans ce naufrage, le cap de chacun est différent. Mais une chose est sûre, et sans doute impossible à comprendre pour qui n’a vécu pareille affaire : nous rentrons tous en prison avec Pierre. Oui, chacun d’entre nous, à sa mesure, porte le poids de sa culpabilité.

Est-il possible dans pareil cas, de « faire comme si », de « faire avec » ou même de « faire sans » ? Existe-t-il une recette miracle pour retrouver son insouciance d’avant quand le pire s’est invité chez vous ?

En convoquant ses souvenirs de Pierre et de Katia – souvenirs d’un couple qui s’est uni le soir où Lady Di a perdu la vie et qui s’est brutalement désagrégé un autre soir de noces familiales – l’auteure tente de comprendre et d’accepter le rôle qui est désormais le sien. Et sans jamais remettre en cause la responsabilité établie de son cousin, elle parvient à rétablir l’honneur de ceux qui n’ont jamais choisi d’être la famille de… mais qui désormais n’ont plus d’autres choix que d’assumer ce rôle.

Ce récit se lit très vite, presque d’une traite et si j’ai aimé ce rythme, je déplore malgré tout un voyage dans les souvenirs assez confus avec des sauts dans le temps répétitifs sur la durée. J’ai ressenti à travers ce livre plus un travail d’analyse pour son auteure qu’une réelle réflexion destinée au lecteur. Ce qu’une fiction telle qu’Il faut qu’on parle de Kevin a pu m’apporter sur la responsabilité des parents dans le développement d’un enfant meurtrier va bien au-delà de ce que ce témoignage est parvenu à me transmettre, alors même que l’on parle ici de réalité, de vécu. Aussi, si j’ai aimé cette lecture sur l’instant, je sais déjà qu’elle ne me laissera pas un grand souvenir ni un message fort dans la durée. Pour moi ce livre a plus été conçu pour comprendre que pour faire comprendre et pour transmettre et c’est un parti pris que je respecte totalement même si ça n’est pas mon préféré.


L’ESSENTIEL

Couverture d'Un dimanche matin de Johanne Rigoulot

Couverture d’Un dimanche matin de Johanne Rigoulot

Un dimanche matin
Johanne RIGOULOT
Editions Les Equateurs
Sorti en GF le 20/03/2019
227 pages

Genre : récit, témoignage
Personnages : Johanne la narratrice, Pierre le cousin meurtrier et Katia sa femme et victime
Plaisir de lecture : ❤❤❤
Lectures complémentaires : L’empreinte d’Alexandria Marzano-Lesnevich, Il faut qu’on parle de Kevin de Lionel Shriver, Le consentement de Vanessa Springora

 

RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR

« C’est un fait divers comme la France en compte des centaines chaque année. Quand, au hasard d’une conversation, j’évoque « mon cousin condamné pour le meurtre de sa femme », je m’étonne de la surprise des gens. Les crimes et délits saturent les journaux et nourrissent nos imaginaires. Ils doivent bien trouver leur réalité quelque part. Elle est la mienne et celle de ma famille depuis ce soir de juillet 2004. Pierre a tué un dimanche matin avant de cacher le cadavre de sa victime. Par les multiples atteintes por-tées au corps de sa femme, mère de ses deux enfants, il a contraint le monde à parler d’elle au passé. Trois jours plus tard, le temps d’une mise en scène grossière révélée par l’enquête, l’affaire envahissait nos vies. La famille est un organisme vivant. Qu’un seul élément l’intoxique et le corps entier entre en lutte. » Scénariste et romancière, Johanne Rigoulot est notamment l’auteur de Et à la fin tout le monde meurt (Prix Marie-Claire du premier roman) et de Bâti pour durer.


TOUJOURS PAS CONVAINCU ?

3 raisons de lire Un dimanche matin

  1. Si vous voulez sortir de la fiction et du thriller pour vous frotter à la réalité du fait divers
  2. Si vous voulez suivre le cheminement d’un auteur pour comprendre et accepter l’inacceptable et l’incompréhensible
  3. Si vous aimez les plumes justes, délicates et sensibles

3 raisons de ne pas lire Un dimanche matin

  1. Si vous avez du mal à vous extraire de la fiction
  2. Si vous cherchez un récit construit comme un roman, allant crescendo dans la tension
  3. Si vous vous délectez des faits divers et du sanglant (ça n’est pas le propos ici)
0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *