Une famille très française de Maëlle Guillaud

Un soupçon de noir, un thème passionnant et inépuisable, des personnages attachants et une écriture douce et plaisante : tous les ingrédients sont réunis pour faire d’Une famille très française, un roman coup de coeur.

Une famille très française de Maëlle Guillaud (éditions Points)

Une famille très française de Maëlle Guillaud (éditions Points)

Lorsqu’elle fait la connaissance de la famille très petits-bourgeois, de son amie Jane, Charlotte perçoit le fossé culturel qui les sépare. Jane Duchesnais, prénommée ainsi par sa mère Marie-Christine en hommage à Jane Austen, a grandi dans une famille très française, très catholique, très comme il faut.

Charlotte Prieur, derrière un nom bien franchouillard cache des origines mêlées puisqu’elle a grandi dans les jupons d’une mère juive marocaine aux us et coutumes dépassées et à l’hospitalité bruyante. Il ne faudra pas longtemps à la jeune fille pour envier le savoir-vivre de la famille de Jane et se couvrir de honte face à la volubilité de sa mère qui mélange français et arabe dans une même phrase. Il n’en faut pas beaucoup plus pour qu’une ado un peu rondelette, nourrie aux pâtisseries orientales de sa grand-mère se prenne à rêver de s’habiller comme ses copines des beaux quartiers avant de se rendre compte que son corps généreux n’est pas fait pour se fondre dans le même moule. En quête de son identité, c’est auprès des Duchesnais qu’elle cherche exemple. Jusqu’au jour où tout bascule, que le décor craquelle et laisse entrevoir une réalité bien moins reluisante.

Dans ce roman d’apprentissage teinté de noir, l’auteure parvient à dresser le portrait d’une jeunesse tiraillée entre des origines dans lesquelles elle ne se reconnait pas et une société dans laquelle elle a grandi mais qui ne la reconnait pas vraiment non plus. Est-on seulement le fruit de ses parents ou peut-on s’affranchir de son éducation pour s’envoler vers de nouveaux horizons ? Et en se faisant, ne risque-t-on pas d’être ébloui par des mirages et de perdre ce qui fait de nous ce que nous sommes ?

Ils sont si élégants, si distingués, alors que nous, on est… son esprit s’embrume. C’est si difficile de se définir soi-même. On est trop bruyants, trop exubérants, trop excessifs… trop tout. Leur infériorité l’assaille brusquement.
Pourquoi ne peut-elle pas être simplement comme les autres ? Vivre dans une famille normale. Avoir des coquillettes au beurre au dîner et pas des bricks au fromage, du rôti de porc et pas des tajines de légumes.

Face à cette question de la quête d’identité, l’auteure a évité de tomber dans la facilité en opposant d’un côté la famille bourgeoise et française de souche et de l’autre la famille de prolétaires issus de l’immigration. Car si Charlotte vit mal ses origines maternelles, elle pourrait s’enorgueillir d’être la fille d’un père bien français, médecin de surcroît. Une réussite en soi mais qui ne suffit pas à la jeune fille pour s’élever dans le regard des autres. Certainement parce que c’est dans son propre regard que la lutte des classes a vraiment lieu. Au moins jusqu’à ce que Charlotte comprenne que certaines valeurs comme le courage, la moralité, l’empathie, la générosité, le respect des autres sont des richesses qu’on ne peut pas acheter comme un vulgaire carré Hermès. Jusqu’au moment où elle prendra conscience que l’image que certains essayent de renvoyer aux autres n’est bâtie que sur un tissu de mensonges. Un très beau roman qui bouscule tout autant qu’il passionne son lecteur.

L’ESSENTIEL

Couverture d'Une famille très française de Maëlle Guillaud

Couverture d’Une famille très française de Maëlle Guillaud

Une famille très française
Maëlle GUILLAUD
Editions Héloïse d’Ormesson en GF et Points en poche
Sorti le 12/04/2018 en GF et le 16/05/2019 en poche
264 pages 


Genre : roman d’apprentissage
Personnages : Charlotte Prieur et sa famille franco-marocaise, son amie Jane Duchesnais et sa famille de petits bourgeois français
Plaisir de lecture : ❤❤❤❤❤
Recommandation : oui
Lectures complémentaires : Les indifférents de Julien Dufresne Lamy, Les garçons de l’été de Rebecca Lighieri, La petite famillede Sophie Avon

 

RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR

Charlotte rencontre Jane au lycée. L’une a des formes généreuses, des boucles brunes et des parents aimants voire étouffants. L’autre est blonde, élancée, et évolue dans un environnement bourgeois « très français ». Fascinée, Charlotte se met à avoir honte de l’exubérance de sa mère, de l’humour de son père, de ses origines. Mais derrière l’harmonie des Duchesnais, une part sombre se dessine… Et si cette famille n’était pas si parfaite ?


TOUJOURS PAS CONVAINCU ?

3 raisons de lire  Une famille très française

  1. Si vous aimez les romans de mœurs et de société
  2. Si la question de l’identité et les problématiques de l’immigration vous intéressent
  3. Si vous cherchez un roman d’apprentissage qui se lit comme un thriller haletant

3 raisons de ne pas lire  Une famille très française

  1. Si les histoires qui fleurent bon La vie est un long fleuve tranquille ne vous intéressent pas
  2. Si vous cherchez un roman dépaysant
  3. Si vous n’êtes pas sensible aux errements de l’adolescence
2 réponses
  1. Mel
    Mel dit :

    Bravo pour cette chronique ! J’aime beaucoup la structure que tu donnes à l’article avec des catégories qui permettent rapidement de se faire une idée, je crois même que j’aimerais mettre ça en place sur mon blog je suis une grande fan des éditions Héloïse d’Ormesson et même si je n’ai pas encore lu celui-ci il est dans ma PAL depuis mars

    Répondre
    • Sandra
      Sandra dit :

      Merci pour ton commentaire qui me fait très plaisir. Ravie si ça a pu te donner envie de sortir ce roman de ta Pal et de faire quelques travaux sur ton blog 😉

      Répondre

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