Enfant de salaud de Sorj Chalandon

Mon premier roman de Sorj Chalandon aurait pu être un coup de coeur mais sa longueur et la répétition de son propos à l’image d’un disque rayé ont eu raison de mon engouement initial.

Enfant de salaud de Sorj Chalandon (éditions Grasset)

Enfant de salaud de Sorj Chalandon (éditions Grasset)

Sorj Chalandon a des comptes à régler avec son père et ses fidèles lecteurs le savent mieux que quiconque puisque cette figure paternelle revient régulièrement dans l’oeuvre de l’auteur. Dans ce dernier roman, le père, ce salaud, assiste au procès de Klaus Barbie dans le public tandis que son fils couvre l’événement en tant que journaliste. Deux positions différentes mais surtout deux camps qui s’affrontent, l’un ne se cachant pas d’avoir collaboré avec l’ennemi pendant la Seconde guerre mondiale quand l’autre vomit l’extrême-droite, le nazisme et toutes les atrocités dont Barbie et les siens se sont montrés capables. Comment vivre dans l’ombre d’un père qui représente tout ce que l’on rejette avec force ? Comment ne pas se sentir détruit à chaque petite phrase assassine, chaque petit sourire en coin lorsque maître Vergès prend la défense de l’un des plus grands criminels de guerre ? Comment dépasser l’idée que l’on est le fruit de l’un des plus grands salauds que cette terre ait porté ?

Ce soir, peu importaient les raisons de tes engagements, la couleur de tes uniformes, peu importait le vrai du faux, ce que tu avais commis ou ce que tu n’avais pas fait. Cette armée d’occupation avait été la tienne. Tu avais eu ces hommes pour camarades et leurs crimes en héritage. Toi, Barbie, tous les autres, traîtres français ou fils du Reich millénaire, aviez été camarades de crime contre l’Humanité.

Ce questionnement bien légitime fournit une excellente matière pour un roman mais il ne peut suffire. Quand le roman tourne à la psychanalyse et à l’obsession, la lecture finit par devenir particulièrement laborieuse. Si j’ai été séduite par le style de l’auteur et l’intelligence de son propos, il m’a d’abord manqué le côté romanesque pour me laisser porter, puis un horizon pour me donner envie de poursuivre. J’ai finalement abandonné ce roman quand il a commencé à me taper sérieusement sur les nerfs du fait de la répétition des idées qui tournent carrément à la rumination. Sa blessure intime devient par moments presque indécente. Le reste est de l’ordre du privé et la manière dont le lecteur reçoit ce témoignage diffère selon son propre vécu. Le mien m’amène à considérer que les liens du sang ne font pas l’homme et qu’à un moment donné, rien ne justifie de s’autoflageller pour les actes des générations qui nous ont précédés. Sorj Chalandon n’est pas son père et mérite mieux que de vivre dans son ombre. Et pour le dire autrement : j’ai mis du temps à régler mes propres problèmes familiaux, ça n’est certainement pas pour m’enquiller ceux d’un auteur incapable de faire son deuil d’une relation parentale épanouie. Cette littérature-là a eu raison de ma patience, je n’en veux plus ! Je pense que les lecteurs méritent mieux que de revivre sans cesse une histoire familiale qui n’est pas la leur : la plume de Chalandon pourrait les délecter de tant d’autres belles histoires. Quel gâchis quand on y pense…

Enfant de salaud était l’un des 4 titres finalistes du Prix Landerneau des lecteurs 2021.


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L’ESSENTIEL

Couverture grand format de Enfant de salaud de Sorj Chalandon

Couverture grand format de Enfant de salaud de Sorj Chalandon

Enfant de salaud
Sorj CHALANDON
Editions Grasset et Audiolib
Sorti le 18/08/2021 en GF et version audio
336 pages (9h20 d’écoute)
Lu par Féodor Atkine

Genre : autobiographique
Plaisir de lecture : abandon
Personnages : l’auteur et son père
Recommandation : oui pour la plume de l’auteur
Lectures complémentaires : les autres romans de l’auteur dont Profession du père, Ordesa de Manuel Vilas, Un dimanche matin de Johanne Rigoulot, Les mémoires familiales de Vanina Leprovost

RÉSUMÉ DE L’ÉDITEUR

Depuis l’enfance, une question torture le narrateur :
– Qu’as-tu fait sous l’occupation ?
Mais il n’a jamais osé la poser à son père.
Parce qu’il est imprévisible, ce père. Violent, fantasque. Certains même, le disent fou. Longtemps, il a bercé son fils de ses exploits de Résistant, jusqu’au jour où le grand-père de l’enfant s’est emporté  : «Ton père portait l’uniforme allemand. Tu es un enfant de salaud !  »
En mai 1987, alors que s’ouvre à Lyon le procès du criminel nazi Klaus Barbie, le fils apprend que le dossier judiciaire de son père sommeille aux archives départementales du Nord. Trois ans de la vie d’un «  collabo  », racontée par les procès-verbaux de police, les interrogatoires de justice, son procès et sa condamnation.
Le narrateur croyait tomber sur la piteuse histoire d’un «  Lacombe Lucien  » mais il se retrouve face à l’épopée d’un Zelig. L’aventure rocambolesque d’un gamin de 18 ans, sans instruction ni conviction, menteur, faussaire et manipulateur, qui a traversé la guerre comme on joue au petit soldat. Un sale gosse, inconscient du danger, qui a porté cinq uniformes en quatre ans. Quatre fois déserteur de quatre armées différentes. Traître un jour, portant le brassard à croix gammée, puis patriote le lendemain, arborant fièrement la croix de Lorraine.
En décembre 1944, recherché par tous les camps, il a continué de berner la terre entière.
Mais aussi son propre fils, devenu journaliste.
Lorsque Klaus Barbie entre dans le box, ce fils est assis dans les rangs de la presse et son père, attentif au milieu du public.
Ce n’est pas un procès qui vient de s’ouvrir, mais deux. Barbie va devoir répondre de ses crimes. Le père va devoir s’expliquer sur ses mensonges.
Ce roman raconte ces guerres en parallèle.
L’une rapportée par le journaliste, l’autre débusquée par l’enfant de salaud.


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TOUJOURS PAS CONVAINCU ?

3 raisons de lire Enfant de salaud

  1. pour la plume de l’auteur
  2. pour le devoir de mémoire qui accompagne ce thème toujours aussi douloureux
  3. pour comprendre dans quelle proportion ce rapport au père a conditionné l’oeuvre de Chalandon

3 raisons de ne pas lire Enfant de salaud

  1. si vous détestez être pris pour le psy de service
  2. si les plaintes à répétition ont raison de votre empathie naturelle
  3. si vous cherchez à vous évader par la lecture
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